Marcos Perestrello : "L’Iran n’est pas un ami, mais une menace pour la sécurité régionale"
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Cette semaine, nous recevons Marcos Perestrello, président de l'Assemblée parlementaire de l'Otan. Face aux diverses menaces militaires et conflits en cours, il insiste sur la nécessité d’augmenter le budget de défense des pays membres de l’Alliance atlantique.
L’Assemblée parlementaire de l'Otan (l’Organisation du traité de l'Atlantique Nord), est un hémicycle qui réunit 281 parlementaires issus des 32 pays membres de l’Alliance. Elle leur permet de se rencontrer afin de débattre de problèmes de sécurité d'intérêt commun. Selon son président, le Portugais Marcos Perestrello, "l'Otan est une organisation défensive qui veut défendre un mode de vie démocratique."
"Il faut faire tous les efforts pour conduire à la désescalade"
Alors qu’Israël a mené une première série de frappes contre des cibles militaires et nucléaires en Iran, Marcos Perestrello, tout comme le secrétaire général de l'Otan, Mark Rutte, appelle à la désescalade : "Il faut absolument faire tous les efforts pour conduire à la désescalade entre Israël et l'Iran. L'Iran n'est pas un pays ami, c'est un pays qui est près de la Russie et qui la soutient dans la guerre contre l'Ukraine. [...] L’Iran est une menace pour la sécurité régionale", alerte-t-il. "La décision d'Israël d'attaquer le programme nucléaire iranien est une décision unilatérale, qui a été prise pendant des négociations entre les États-Unis et l'Iran," poursuit Marcos Perestrello, ajoutant que l’administration américaine a expliqué être prévenue mais pas impliquée dans l'attaque.
"Il faut avoir des capacités fortes et crédibles"
Face aux diverses menaces militaires et conflits en cours, l'Otan souhaite que les pays membres s'engagent à consacrer 3,5 % de leur PIB pour les dépenses militaires et 1,5 % pour toutes celles liées à la sécurité, soit un total de 5 %. L’augmentation est ambitieuse alors que la moyenne actuelle des dépenses liées à la défense est de 2 %. "Il faut avoir du temps pour atteindre ces objectifs," reconnaît le président de l’Assemblée parlementaire de l’Otan. "Il faut être conscient que pour avoir une défense et une dissuasion forte et crédible, il faut également avoir des capacités fortes et crédibles. Il faut faire des investissements. Augmenter leur dépense, c'est ce que les Américains demandent de l'Europe et du Canada. De ce point de vue, ils ont en partie raison parce qu'il faut avoir une alliance plus équilibrée et plus juste dans laquelle tous les membres font des contributions proportionnelles à leurs capacités économiques et militaires. C’est une demande des Américains qu’il est difficile de contester dans un cadre de justice et d'égalité entre les États."
S’il reconnaît "un changement dans l’approche de l'administration américaine en ce qui concerne la politique et la diplomatie", il appelle les pays européens à "résister" et à s’adapter. "Le message de l'administration américaine est très cohérent et très consistant. Il n'a pas changé et il demande plus de ses alliés en termes de contribution pour l'Alliance. Ils n'ont pas réduit leur engagement envers l'Alliance. En ce qui concerne la politique extérieure américaine, le sujet le plus stable, constant et cohérent, c'est précisément la relation stratégique des États-Unis avec l'Europe et l'Otan," estime Marcos Perestrello.
"Nous voulons une vraie capacité industrielle européenne"
L’Union européenne (UE) souhaite également mettre en place un système de préférence européenne en matière d’achat d’armement alors que l’Europe dépend massivement des armes américaines. "Les décisions des achats seront toujours prises par les États et non par l'Otan. L'Otan va définir avec les États les capacités militaires que chacun doit avoir. Mais, à la fin, les programmes d'achats seront faits par les États et ces derniers chercheront toujours les meilleurs équipements, les plus efficaces, avec le meilleur rapport qualité-prix," détaille le président de l'Assemblée parlementaire de l'Otan.
Il appelle au renforcement de la défense européenne et de la capacité de production d'armement : "Il faut développer une capacité industrielle européenne effective qui sera capable de répondre à toutes les volontés des États. [...] Si nous voulons une vraie capacité industrielle européenne, elle doit être européenne et non pas espagnole, française, portugaise ou allemande. Elle doit être européenne, en impliquant des entreprises de tous les pays."
"La désinformation est responsable de l’augmentation considérable du discours antidémocratique dans l'espace européen"
Face à la recrudescence des attaques hybrides comme les cyberattaques, la désinformation en ligne ou le sabotage de câbles dans la mer Baltique, l’Otan a un rôle clé à jouer. Selon Marcos Perestrello, l’augmentation de l’investissement dans la défense ne doit pas seulement s’appliquer au "domaine militaire mais aussi au domaine civil et à la sécurité civile". "La désinformation est responsable de l’augmentation considérable du discours antidémocratique dans l'espace européen. Il faut la combattre aussi."
Au Portugal, le parti d'extrême droite Chega a réalisé une percée historique lors des élections législatives de mai dernier en obtenant 20 % des voix, soit 60 sièges au Parlement. Il devient ainsi la première force d'opposition, devant le parti socialiste. Selon Marcos Perestrello, également député socialiste portugais et ancien secrétaire d'État à la Défense nationale et aux Affaires maritimes, il se passe dans son pays "la même chose qu’il se passe dans le reste de l'Europe". "Cela a pris un peu plus de temps pour arriver ici. Mais il y a également eu une certaine désinformation [...] pour contrôler les réseaux sociaux. L’objectif de cette force est toujours de créer de l'instabilité pour arriver au pouvoir. Ils ne seront jamais, je suis convaincu de cela, une force capable de contribuer à la stabilisation du gouvernement."
Emission préparée par Oihana Almandoz, Perrine Desplats, Agnès Le Cossec et Georgina Robertson